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Ce projet puise son inspiration dans les légendes et les personnages qui ont hanté la ville de Trujillo, située dans la province d’Extremadura, en Espagne. Voici son histoire…
L’Extremadura, une terre extrême et dure, remplie de mystères
L’Extremadura est sans conteste une terre de contrastes, de dualité et d’opposition. Aride et méconnue (termes qui la caractérisent souvent), cette région est peu peuplée, essentiellement agricole et il s’agit certainement de l’une des plus pauvres de la fière Espagne. Elle reste une vaste plaine presque désertique, figée entre les contreforts de la Sierra de Gredos au nord, la Sierra Morena au Sud et le Portugal à l’ouest.
Pourtant, elle renferme un immense patrimoine historique, d’une richesse incroyable et que peu de régions en Europe peuvent se targuer d’avoir. Le voyageur, lorsqu’il ferme les yeux pour se remémorer son séjour, a des images persistantes de citadelles de pierre, de châteaux et de palais Renaissance se dressant au loin, sur une route qui poudroie sous la chaleur écrasante de l’aveuglant soleil estremègne.
L’Extremadura est également une terre de mystères. En effet, c’est ici que Charles Quintdécida contre toute attente de se retirer du monde dans le monastère de Yuste. Lui, né à Gand, choisira donc cette terre comme ultime et humble demeure après son abdication. Il était pourtant l’Imperator Mundi, régnant sur un Empire si vaste que l’on disait que le soleil ne s’y couchait jamais, mais c’est pourtant en Extremadura qu’il décida de passer les dernières années de sa vie. Il y mourut en 1558.
Une autre énigme hante cette terre si particulière : comment se fait-il que les plus célèbres des conquistadoressoient pratiquement tous nés dans cette région pourtant si éloignée des océans ? Quelle mystérieuse attraction la mer a-t-elle exercée sur ces hommes de l’intérieur des terres ? Ces interrogations de l’historien Luis Hernández Alfonso, beaucoup les ont ruminées depuis la geste des conquistadores qui, à cheval entre le XVeet le XVIesiècle, s’en furent découvrir, conquérir et assujettir le Nouveau Monde et les « Indes ».
Voici une explication poétique : peut-être est-ce dû au fait que l’Extremadura ressemble de manière troublante à une sorte de mer intérieure, dont les collines lointaines peuvent se transformer en vagues dans l’imaginaire de n’importe quel hidalgodésœuvré, vivant dans la nostalgie des exploits de la Reconquista contre les Maures et qui, au fond, s’ennuie à mourir en rêvant de lendemains guerriers ?
Trujillo, ville des conquistadores
Des centaines d’artisans, de paysans ou de noblaillons sans le sou originaires de Trujillo se lancèrent dans la « Conquista » du nouveau monde, traversant les mers, attirés par le mirage des richesses d’un Eldorado potentiel… Parmi eux, Francisco de Orellana, homme fort de l’Équateur et découvreur du fleuve Amazone, et Fray Jerónimo de Loayza, évêque, fondateur de la première université du Pérou.
Tous, personnages de légende, fous et courageux, remplis de contradictions : aux nobles causes répondirent des desseins sombres et une cruauté dévastatrice. Des êtres d’ombre et de lumière…
Francisco Pizarro est sans doute l’un des plus célèbres. En août 1533, avec ses 168 soldats, il vint à bout de l’Empire inca, peuplé de douze millions de personnes et dont la superficie équivalait à la moitié de l’Europe. Parfois, l’homme n’hésita pas à massacrer les populations locales, trahissant et tuant le dernier empereur inca, Atahualpa,pour étancher sa soif de pouvoir et son attirance démesurée pour l’or, matériau presque chimérique dont il espérait trouver la source dans les forêts péruviennes.
À leur retour, les cales de leurs bateaux remplies d’or et de titres de noblesse, les conquistadores changèrent la physionomie de la ville de Trujillo. Au beau milieu de cette région pauvre, la bourgade devint le témoin vivant de la fastueuse Renaissance espagnole en se couvrant de palais somptueux, de couvents par dizaines et d’églises étincelantes. L’or du Nouveau Monde transforma le visage de ces hommes épuisés par tant de voyages, mais également celui de leur ville.
Trujillo est aussi la cité du métissage. En effet, elle fut la dernière étape du voyage de certaines princesses inca ramenées en Espagne comme des trophées de guerre, telle Inés Huaylas Yupanqui, la sœur d’Atahualpa, le dernier empereur inca, qui fut mariée au demi-frère de Pizarro et passa le reste de sa vie dans son splendide palais à colonnades de style plateresque de la Plaza Mayor.
« Sangre », un projet métaphore
Ce projet de décoration, au travers d’une écriture narrative, émotionnelle et poétique, veut rendre hommage à tous les différents thèmes évoqués : les mystères de la terre d’Extremadura, les zones d’ombre et de lumière des conquistadores, le renoncement de Charles Quint, l’attirance pour l’or…
Son nom est « Sangre », ce qui signifie « sang », en espagnol.
L’évocation du sangest donc un viatique essentiel pour appréhender les différents espaces temporels et pour comprendre les choix décoratifs de ce projet. Tel le fil d’Ariane dans le labyrinthe, il se veut le fil rouge qui nous permet de traverser les pièces de la maison : dans un style résolument contemporain, on joue ainsi avec les références historiques et les différents symboles des civilisations rêvées ou disparues.
La symbolique du sang se trouve conjuguée à trois niveaux :
Premièrement, le sang est la marque rougede la Conquête, souvent violente, pour dérober les richesses des populations andines, fréquemment dans la cruauté. Des taches rouges sont ainsi matérialisées par de nombreux objets qui jalonnent visuellement les pièces de la maison.
Deuxièmement, dans la cosmogonie inca, le sang des dieux n’est autre quel’or. Ce noble matériau sera présent sur certains murs et espaces de la maison. Plus prosaïquement, l’or fera référence au mythe fou des cités d’or : El Dorado. On retrouvera ce thème dans la salle à manger ou dans les reflets de l’eau de la piscine…
De plus, le sang est le vecteur essentiel du métissage, celui en l’occurrence qui eut lieu au cours des années et des siècles suivants, à Trujillo et ailleurs en Espagne et en Amérique latine, entre les Espagnols de souche et les populations autochtones. Le sang se mêle et crée de nouvelles alliances, comme le montre le grand visuel rétroéclairé dans le salon qui représente une princesse inca tenant la main d’un noble hidalgo. L’utilisation de miroirs, qui mélangent les points de vue et superposent différents éléments du décor, est également un moyen pour évoquer ce brassage de cultures.
Enfin, le sang suggère également la passion qui fait battre le cœur avec force, tel l’amourque Charles Quint portait à sa femme, la belle Isabelle de Portugal. Leur relation est évoquée dans la chambre d’amis, où des extraits de tableaux représentant leurs mains décorent la pièce, dans une ambiance en noir et blanc.